Nous connaissons peu, en Europe occidentale, la tradition musicale arménienne. Les trompettistes connaissent un peu l'Arménie à travers le magnifique concerto pour trompette d'Alexandre Aroutiounian qui est très souvent joué et enseigné dans les conservatoires.
Hovsepian, 2013 (source : licence CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons) |
Sur Gallica, se trouve une partition très intéressante de chants traditionnels arméniens : "Musique populaire arménienne. Mélodies et choeurs à cappella, , transcrits et mis en musique par le R. P. Komitas."
Soghomonian, 1930 (source : Gallica/BnF) |
Je ne connaissais pas le Père Komitas, mais Wikipedia m'apprend qu'il s'agit d'une sorte de Bartòk arménien. En effet, ce dernier fut l'un des premier à pratiquer l'ethnomusicologie et a aborder une démarche de transcription des musiques traditionnelles afin d'en conserver une trace écrite. "Komitas adopte une démarche méthodique, dans l'observation, allant jusqu'à se cacher pour ne pas altérer l'authenticité des chansons, dans la notation, qui indique jusqu'à la gestuelle." (Komitas, 2016).
Dmitry, 2011 (licence CC BY-NC 2.0, via Flickr) |
Ce n'est certes pas une pièce originellement écrite pour trompette, mais notre instrument a une longue tradition (remontant au moins au XVIIe siècle) de transcriptions de musique vocale afin de pallier ce manque de répertoire. Un avant propos de la partition nous apprend ceci du "Chant de laboureurs" que j'ai choisi d'enregistrer : "Le cinquième morceau est un chant de labour recueilli par le Père Komitas au village Vardablour du district de Lori (Arménie Transcaucasienne) et qu'il harmonisa pour choeur mixte et fit exécuter au grand festival de musique arménienne donné par lui à Paris en 1906." (Soghomonian, 1930).
Soghomonian, 1930, p. 13 (source : Gallica/BnF) |
La première partie est constituée de solos mis en valeur par des entrées en imitation où ils s'accumulent en se terminant sur des accords parfaits. La voix de ténor est souvent mise en valeur et l'ensemble de la pièce (tripartite) est à cinq temps comme souvent en Europe orientale.
Soghomonian, 1930, p. 17 (source : Gallica/BnF) |
La seconde partie est un choral des trois voix aiguës ponctué par la voix de basse.
Soghomonian, 1930, p. 19 (source : Gallica/BnF) |
La troisième partie est très rapide et dansante. C'est celle qui met le plus en valeur le rythme à cinq temps regroupé en 2 et 3. Le Père Komitas semble avoir dédié sa vie à la valorisation du patrimoine traditionnel arménien. Ces témoignages sont précieux et gardent la trace d'une culture populaire de très grande qualité.
Komitas, 1902 (source : domaine public, via Wikimedia Commons) |
Archag Tchobanian nous offre une traduction de ce chant à la fin de la partition originale. Nul doute que les paroles religieuses attirèrent Komitas à l'époque pour transcrire cette musique. L'enregistrement donne lieu à quelques bruits (notamment à cause de la transposition à l'octave basse de la voix grave...) mais donne une idée de la richesse de cette musique.
J'ai donc fait une exception au fait de n'enregistrer que du répertoire de trompette devant la beauté toute simple de ce choeur.
Sources :
Dmitry. (2011). Amberd [photographie].
François Frémeau. (2017, 7 mars). "Chant de laboureurs" transcrit par Soghomon Gevorgi Soghomonian [Vidéo en ligne]. Repéré à https://youtu.be/jmSonezV3Ho
Hovsepian, T. (2013). Alexander Harutyunyan [photographie].
Komitas. (2016, 4 décembre). Wikipédia, l'encyclopédie libre. Page consultée le 15:16, mars 7, 2017 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Komitas&oldid=132388293.
s.a. (1902). Komitas en 1901/2 [photographie].
Soghomonian, S. G. dit Komitas. (1930). Musique populaire arménienne. Mélodies et choeurs à cappella, , transcrits et mis en musique par le R. P. Komitas. Paris : Éditions de la Schola Cantorum.