Marcelle Benoît est la seule auteur trouvée à ce jour qui parle de la Grande Écurie dans ses ouvrages (du moins avec un très haut degré de détail). Je reprends ici quelques passages qui me semblent intéressants de son ouvrage : Versailles et les musiciens du roi 1661-1733.
"Qu'entend ce "grand public" dans les dernières décades du XVIIe siècle ?
1° Une musique de plein air, de circonstance, solidaire des événements de la nation, que clament des sonneurs de trompettes, des batteurs de tambours, des symphonistes." (Benoît, 1971, p. 9)
"En premier lieu, la famille des trompettes, qui pose un problème de terminologie. Car nous rencontrons sur les registres les trois groupes d'instrumentistes suivants :
quatre trompettes des Plaisirs,
huit trompettes de l'Écurie,
quatre trompettes de la Chambre.
Leur appartenance s'établit ainsi : ceux des Plaisirs font en réalité partie de la Maison militaire du roi, et se rattachent aux Gardes du Corps. [...] Ceux de l'Écurie portent bien leur nom, mais pour l'honneur seulement, car, en majorité, ils ne servent pas ou servent exceptionnellement. Ceux de la Chambre, en revanche, travaillent double, si l'on peut dire : on les entend à la fois à la Chambre et à l'Écurie. Par abréviation, on les nomme "de la Chambre", leur titre au long étant "de la Chambre et Ecurie" : désignation approximative, d'ailleurs, car, administrativement, ils dépendent de l'Écurie. "Quoique les Trompettes de la Chambre soient de la Grande Ecurie, M. le Grand Ecuïer les appelle Trompettes de la Chambre dans leurs certificats de service et au certificat de leur prestation de serment de fidélité au bas de leurs provisions." Par conséquent, un tiers seulement de nos musiciens exercent régulièrement leur charge. Plusieurs actes nous en apportent la confirmation : "Il y a douze trompettes, mais il n'y en a que quatre qui servent ordinairement. C'est a cause de leur service continuel et durant toute l'année qu'ils prennent la qualité de trompettes de la Chambre et Ecurie." Et encore : "Des douze trompettes de la Grande Ecurie, M. le Grand Ecuïer en choisit quatre appelez particulièrement les quatre Trompettes ordinaires de la Chambre du Roy, qui servent auprès de S.M." (Benoît, 1971, p. 218)
"Quels services rendent les quatre élus de ce corps ? "Leur fonction est de sonner à la tête des chevaux du carosse du Roy, principalement dans les voyages et quand le Roy entre dans les villes." "Quand le Roy fait une revue, les quatre trompettes marchent à la tête des chevaux du carosse de la Reine, si elle y est. A l'armée, les trompettes de la chambre marchent avec le Roy deux alternativement et sont commandés en commission pour porter les ordres pour les contributions."
Voici l'énumération des circonstances où nos hommes prêtent encore leur concours : les publications de paix, de trêves, les transports de drapeaux, les entrées d'ambassadeurs étrangers; les baptêmes des Enfants de France; les mariages, sacres des rois et reines; les pompes funèbres de la famille royale; les lits de justice au Parlement; la cérémonie des pains bénits; les Te Deum à Notre-Dame. Des détails nous renseignent sur la présence, lors des cérémonies extraordinaires, aux côtés des quatre trompettes ordinaires, des trompettes non servants, qui profitent du prochain sacre de Louis XV pour revendiquer leurs droits, notifiant qu'ils "doivent remplir le nombre du surplus, conformément aux statues [sic] de leur charge". L'effort des quatre servants de l'Écurie se trouve également jumelé, dans les grandes occasions, à celui des quatre trompettes des Plaisirs évoqués plus haut, ou de diverses autres compagnies militaires, ce qui ne va pas sans entraîner des contestations, des querelles de préséance, des protestations de supériorité professionnelle, des revendications vestimentaires... Sur ces points, les cérémonies du sacre de Louis XV déchaînèrent les susceptibilités et les passions, des questions de profit compliquant encore le débat. Les ordres de marches en cortège provoquent des litiges, et la cohorte des trompettes à cheval entourant le carrosse royal dans les défilés résonnait d'harmonies qui cachaient bien des discordances. "Sy on nous oste le poste que nous avons occupez de tous tems, nous ne sçavons ou nous devons nous mettre pour le servisce a venir", récrimine un trompette de la Chambre et Écurie. Après la mort de Louis XIV, en effet, les trompettes de l'Écurie luttèrent pour ne pas se laisser supplanter par ceux des diverses compagnies de la Maison militaire du roi." (Benoît, 1971, pp. 219-220)
"A la fois hérauts, messagers, hommes de guerre, officiers d'apparat, symphonistes de plein air, ils côtoient sans cesse le roi, entourent son carrosse dans les défilés, l'introduisent en grande pompe au sanctuaire, annoncent son entrée dans les appartements, sonnent ses triomphes à l'armée, rassemblent les sujets autour de sa personne dans les tournées provinciales. Ils participent à chaque événement heureux ou malheureux de la Cour; leur rôle revêt ainsi un caractère utilitaire.
L'Auvergne se révèle comme le berceau des joueurs de trompette de la musique royale pendant près de deux siècles. De la région de Riom-ès-Montagne, dans le Cantal, monte à Versailles la plus célèbres dynastie de trompettes. De père en fils, de frère à frère, d'oncle à neveu, les Rhodes maintinrent dans leur famille ce titre, jusqu'à investir la plupart des postes au fur et à mesure de leur vacance. S'ils figuraient déjà parmi les trompettes de l'Écurie en 1539, l'état de 1661 dénombre huit Rhodes sur les douze officiers inscrits. En 1732, un Rhodes encore se fait le porte-parole de ses camarades pour réclamer... des chapeaux. Tard dans les XVIIIe siècle, on conservera leurs traces." (Benoît, 1971, p. 220)
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